Pourquoi tant de pratiquants de yoga négligent-ils le fondement même de leur pratique ?
Le souffle, ce fil de vie invisible
Quinze fois par minute, sans même y penser, nous accomplissons le geste le plus vital qui soit : respirer. Ce mouvement simple et automatique est pourtant bien plus qu’un simple échange gazeux. C’est la manifestation du prâna, cette énergie vitale qui anime chaque cellule de notre corps.
Mais voilà le paradoxe : alors que nous respirons depuis notre premier cri, la plupart d’entre nous ont oublié comment respirer naturellement. Notre souffle s’est figé, coincé entre les tensions du corps et les turbulences de l’esprit.
Qu’est-ce que la respiration physiologique ?
La respiration physiologique, c’est tout simplement la manière dont un corps en bonne santé respire naturellement, sans effort ni contrainte. C’est le souffle d’un enfant qui dort paisiblement, d’un chat au repos, d’un arbre qui ondule doucement dans le vent.
Elle se reconnaît à cinq signes simples :

- Le diaphragme bouge librement, descendant à l’inspiration, remontant à l’expiration
- Le ventre et le thorax collaborent harmonieusement, sans opposition ni rigidité
- Le rythme est calme et régulier, s’adaptant naturellement aux besoins du moment
- La posture soutient le souffle, avec un bassin vivant et une colonne mobile
- Le silence règne : pas de bruit, pas de tension, juste un mouvement fluide et économe
À l’inverse, quand le corps est tendu ou la posture déséquilibrée, le souffle devient court, haut, saccadé. On respire alors avec compensations, mobilisant excessivement les épaules et le cou. Cela est épuisant, oppressant et anxiogène.
Le fil de soie : l’approche juste du souffle
Patanjali, dans les Yoga Sutras, nous rappelle une vérité essentielle : Asana précède Pranayama. Autrement dit, avant de chercher à contrôler le souffle par des techniques sophistiquées, il faut d’abord établir une posture juste.
Approcher le souffle demande la délicatesse de celui qui tire un fil de soie : trop de force et il se brise, trop de lâcheté et il s’échappe. Il faut le sentir, pas le saisir.
Cette sagesse ancienne trouve aujourd’hui une confirmation scientifique : tant que la respiration physiologique n’est pas installée, les pratiques de pranayama forcées peuvent être non seulement inefficaces, mais carrément dangereuses.
Les pièges des pratiques en force
Sans conscience du corps et du souffle, certaines pratiques peuvent créer des états qui peuvent faire penser à l’extase mystique, mais qui ne sont en réalité que le fruit d’une violence faite à la respiration :
- L’hyperventilation (bhastrika forcé, chants rapides)
- L’hypoventilation (expirations prolongées de manière contrainte)
- Les suspensions de souffle imposées
Ces techniques, bien qu’elles puissent procurer un bien-être immédiat, engendrent à terme des déséquilibres voire des pathologies (asthme, troubles cardiaques, etc). Elles sont à éviter absolument pour les débutants.
Les pratiques douces pour explorer le souffle
Heureusement, il existe de nombreuses façons d’explorer le souffle en douceur :

- Bâiller (oui, c’est déjà du yoga !)
- Respirer avec le sourire
- Humer un parfum en inspirant profondément
- L’inspiration en escalier
- Les sons dans les postures
- Le kapalabhati lent
- Les visualisations de trajets du souffle
- La respiration alternée (nadi shodhana)
Ces pratiques respectent les rythmes naturels du corps et préparent progressivement à des techniques plus avancées.
Votre corps, cette cathédrale vivante
Pour comprendre la respiration physiologique, il faut voir le corps comme une architecture vivante, où tout est relié.
Les cinq voûtes du souffle
Imaginez votre corps comme une cathédrale. Du sol au sommet, cinq voûtes se répondent et permettent au souffle de circuler :

1. Les voûtes plantaires : vos fondations. Des pieds bien ancrés, toniques et souples, permettent à toute la structure de s’élever.
2. Le plancher pelvien : la première voûte interne. Comme un trampoline, il descend légèrement à l’inspiration et remonte à l’expiration, en synergie avec le diaphragme.
3. Le diaphragme : la grande voûte centrale, le cœur même du geste respiratoire. Ce muscle puissant sépare le thorax de l’abdomen et orchestre chaque respiration.
4. Le voile du palais : la voûte qui module le passage de l’air et participe à la résonance vocale. Un voile équilibré permet au souffle de résonner dans tout le visage.
5. La voûte crânienne : le dôme ultime, qui reçoit et redistribue les vibrations internes du souffle.
Si une seule de ces voûtes s’affaisse ou se rigidifie, c’est tout l’édifice qui doit compenser. C’est pourquoi travailler la posture n’est pas accessoire : c’est le fondement même d’une bonne respiration et d’une voix habitée.
Le bassin : clé de voûte de la respiration
« Un bassin libre, un souffle qui s’élève. »
Parmi tous les éléments posturaux, la position du bassin joue un rôle absolument central.
L’antéversion : libérer la colonne d’air
L’antéversion du bassin (pubis vers le sol, bas du dos cambré) libère littéralement la colonne d’air, du périnée jusqu’au sommet du crâne.
Cette position :
Permet au diaphragme de descendre librement
- Crée une synergie entre le plancher pelvien et le diaphragme
- Place correctement toutes les courbures vertébrales
- Place correctement la tête
- Libère la respiration et la résonance vocale
La métaphore de la maison aide à comprendre : si le souffle est une maison, le bassin et le périnée sont les fondations. Sans fondations solides, tout l’édifice se dérègle.
À l’inverse, quand le bassin est en rétroversion (bassin enroulé, bas du dos plat), le diaphragme est freiné, la pression abdominale augmente, et la respiration devient haute et superficielle. Le cœur doit alors compenser en travaillant excessivement.
La colonne vertébrale : quand la structure respire
« Quand la colonne respire, le souffle circule. »

La colonne vertébrale n’est pas une tige rigide. C’est un ressort vivant, avec ses courbures naturelles qui s’enchaînent harmonieusement :
- Lordose cervicale
- Cyphose thoracique
- Lordose lombaire
Dans la respiration physiologique, la région lombaire s’étire à chaque inspiration. À chaque expiration, la région dorsale s’étire. Le souffle est donc aussi une onde vertébrale, qui se propage du bassin à la nuque.
Quand les courbures se figent (cyphose accentuée, hyperlordose, scoliose, tensions cervicales), la respiration perd sa fluidité et devient compensatrice. C’est pourquoi les pratiques de yoga postural ostéopathique travaillent spécifiquement à :
- Reformer les courbures physiologiques
- Libérer la mobilité vertébrale
- Ouvrir la cage thoracique
- Permettre la libre circulation du souffle
La cage thoracique : un accordéon vivant
« Une cage souple, un souffle vivant. »

La cage thoracique n’est pas une armure rigide. C’est un système élastique qui doit pouvoir s’expandre dans toutes les directions, comme un ballon de baudruche.
Cette élasticité dépend de :
- La souplesse des côtes et des articulations
- La flexibilité musculaire
- L’intégrité des fascias et cartilages
Avec l’âge, la sédentarité ou le stress, la cage thoracique se rigidifie. C’est comme un accordéon qu’on ne peut plus ouvrir : la musique du souffle se bloque.
Le diaphragme ne peut pas lutter seul contre l’affaissement des côtes. C’est pourquoi il est essentiel de développer l’extension dorsale et la mobilité thoracique, avant tout entraînement respiratoire.
Le souffle et la voix : votre chant intérieur

Le souffle est notre chant intérieur. Dans les pratiques chantées conscientes, il s’exprime pleinement : la voix prend sa source dans l’inspiration et se révèle dans l’expiration.
Quand elles sont pratiquées avec conscience et respect du corps, les pratiques chantées harmonisent le souffle et apaisent l’esprit, favorisant un retour bienfaisant à la respiration physiologique.
La voie juste consiste à conserver la conscience de son souffle, même dans les états les plus profonds d’absorption.
Par où commencer ?
Si vous souhaitez retrouver une respiration physiologique, voici la progression à suivre :
1. Observez votre respiration actuelle
Sans jugement, prenez simplement conscience de la manière dont vous respirez au quotidien. Est-elle haute ? Courte ? Saccadée ? Silencieuse ?
2. Travaillez votre posture
- Explorez la bascule du bassin
- Pratiquez les extensions dorsales douces (couverture en accordéon, bolster, hérisson)
- Mobilisez votre colonne vertébrale
- Libérez votre ceinture scapulaire
- Créez de l’espace, de la mobilité, de la tonicité dans tout votre corps
3. Alignez vos voûtes
Apprenez à aligner votre structure, des pieds jusqu’à votre crâne.
4. Explorez le souffle avec douceur
Bâillez, souriez en respirant, humez des parfums, émettez des sons dans les postures. Laissez le souffle vous guider plutôt que de chercher à le contrôler.
5. Soyez patient
La respiration physiologique ne se retrouve pas en un jour. C’est un chemin de conscience et de réapprentissage qui demande du temps et de la régularité.
Respirer, c’est vivre pleinement
« Respire des pieds jusqu’au crâne, et ton souffle deviendra une arche de lumière. »
La respiration physiologique n’est pas une technique de plus à ajouter à votre liste. C’est un retour à la nature profonde de votre corps, à sa sagesse innée.
Quand le souffle circule librement des pieds au sommet du crâne, c’est tout votre être qui s’harmonise :
- Le corps s’oxygène pleinement
- Le mental trouve la clarté
- L’esprit accède à la paix intérieure
Car de la qualité de notre respiration dépendent non seulement notre santé physique, mais aussi notre équilibre émotionnel et notre clarté d’esprit.
Alors, respirez. Simplement, naturellement, pleinement. C’est déjà du yoga.
Cet article est tiré de nos formations en Yoga du Son intégral. Pour aller plus loin dans votre pratique, rejoignez-nous lors de nos prochains stages ou consultez notre programme de formation.
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